Architecture: Le prix Pritzker d'architecture 2014 revient au Japonais Shigeru Ban

La rédaction
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Jean-Jacques Larrochelle (Le Monde)Le jury de la fondation Hyatt a décerné, lundi 24 mars, le prix Pritzker d'architecture 2014 au Japonais Shigeru Ban. Un double succès pour le Japon, puisque Shigeru Ban succède à son compatriote Toyo Ito, lauréat l'année précédente.  Depuis sa création en 1979, c'est la sixième fois que le «Nobel» de l'architecture honore un Japonais. La cérémonie officielle de remise du prix doit se tenir, le 13 juin, dans l'enceinte du Rijksmuseum à Amsterdam.

Shigeru Ban est notamment connu en France pour être l'auteur, en collaboration avec Jean de Gastines, du Centre Pompidou Metz, célèbre pour son toit en forme de « maison de schtroumpfs » et de la future cité musicale qui doit être implantée sur le site de l'ÃŽle Seguin à Boulogne Billancourt (Hauts-de-Seine).

Né à Tokyo en 1957, il a fait ses études d'architectures aux Etats-Unis : au Southern California Institute of Architecture à Los Angeles, puis à la prestigieuse Cooper Union School of architecture de New-York, l'un des « colleges » les plus sélectifs du pays d'où il sortira diplômé en 1984. Pour cette raison, il affirme que «l'éducation américaine» qu'il a reçue le distingue radicalement de ses plus récents prédécesseurs japonais, lauréats du Pritzker, Toyo Ito et, en 2010, Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa (Sanaa).

PEU CONNU AU JAPON

L'architecte coupe court à toute interprétation sur le magistère de son pays sur le prix Pritzker, dont il a été membre du jury de 2007 à 2009 : « De mon expérience en tant que membre du jury du Pritzker Prize , j'ai retenu que la nationalité du lauréat n'importait pas. » Et ne considère pas davantage que cette position inédite dans le saint des saints de la Fondation Hyatt ait pu le favoriser. En toute modestie, Shigeru Ban affirme qu'il n'est « pas très populaire au Japon. Arata Isozaki ou Tadao Ando y ont construit beaucoup de choses. Ce n'est pas mon cas. L'un des rares projets importants que j'y est réalisé est celui du Centre Nicolas G. Hayek, dont le client est Suisse. »

C'est sur la route du mont Fuji, où il participait au concours d'un projet de centre d'information pour ce site, inscrit en juin 2013 au patrimoine de l'humanité, qu'il a appris la nouvelle, fin janvier. « J'ai pensé que cette distinction arrivait trop tôt pour moi, explique l'architecte. A la différence de ceux qui ont déjà obtenu le Prix, auteurs de grandes réalisations, je l'ai non pas perçu comme la reconnaissance d'un accomplissement professionnel, mais plutôt comme une manière de m'encourager. »

Car la démarche de Shigeru Ban dénote dans le paysage architectural mondial. Il a d'abord signé une profusion de riches demeures privées au Japon entre les années 1980 et 1990, où des structures de béton géométriques et épurées s'ouvrent sur l'espace environnant –  l'une d'elle est seulement fermée par un immense rideau en toile qui faseille au vent. Avant de se tourner vers des projets beaucoup moins lucratifs.

LOGEMENTS ÉPHÉMÈRES POUR LES DÉMUNIS

Shigeru Ban dit s'être intéressé à des projets touchant des personnes en difficulté parce qu'il en avait assez de construire des maisons pour des clients privilégiés. « Ces personnes-là nous sollicitent pour que l'on mette en valeur leur richesse et leur pouvoir , affirme-t-il. Ils veulent que nous fassions pour eux des monuments. » Las de ne construire que pour « des gens heureux », il en appelle « au rôle social de l'architecte ».

En 1995, il se rend à Kobé au Japon alors que la ville vient de subir un terrible tremblement de terre. Passé maître dans l'art d'utiliser de simples tubes de carton qu'il avait expérimentés la première fois pour les besoins d'une exposition consacrée à Alvar Aalto, dix ans auparavant, il redéploie ce savoir faire élémentaire pour concevoir des logements éphémères destinés aux plus démunis, victimes de catastrophes naturelles, ou de guerres. De 1995 à 1999, Shigeru Ban devient architecte conseiller auprès du Haut Comité aux réfugiés de l'ONU. En Turquie, en Haïti, au Rwanda, ou en Nouvelle Zélande où il a achevé en 2013 la cathédrale de Christchurch, la qualité de ses réalisations dépasse toutes les attentes.

« Mon activité dans les espaces de désastre a été très largement prise en compte par le jury du Pritzker Prize, croit savoir l'architecte. Notamment parce que dans ce contexte si difficile, j'avais su réaliser de beaux programmes. » Des beaux programmes destinés à d'autres usages demeurent où subsistent parfois l'usage des tubes de carton. Mais ils sont cette fois agrémentés de volutes et de tressages de bois. Le style, toujours empreint de légèreté, a changé, mais l'attention qu'il porte aux lieux reste la même.

« CONTINUER À APPRENDRE »

Pour suivre au plus près le chantier de Metz, et être proche de son maître d'ouvrage, il avait installé une agence éphémère sur le toit du centre Pompidou à Paris. « Au Japon, les architectes sont totalement libres, dit-il. Les clients interviennent très peu. En France, il faut tout le temps se battre. » Il a désormais son agence à Paris pour accompagner le projet de cité musicale sur l'ÃŽle Seguin.
Maintenant qu'il a obtenu la plus haute distinction dont puisse rêver un architecte, Shigeru Ban dit « vouloir faire attention. Devenir célèbre peut être dangereux. Je dois continuer d'écouter les gens. Et continuer à apprendre. »

Jean-Jacques Larrochelle (Le Monde du 24 mars 2014

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